mercredi 25 septembre 2013

Moumi.




Moumi habite au sixième étage.
Il possède deux chemises blanches
et un pantalon noir.
Une paire de chaussettes noires,
un pardessus gris, et un grand balai de paille de riz.
Moumi fredonne des notes toute la journée,
en balayant le pavé.
Quand il rentre le soir devant son butagaz,
et pour l'aider à se coucher,
il chantonne dans le noir.
Hier, il s'est fait écraser par un bus.
Avant de mourir, il a gémi quelques notes graves.
Une infirmière m'a dit, que des singes comme lui,
elle en voyait tous les jours.
Je suis rentré chez moi dégueuler l'alphabet.

Tellier, novembre 198hein.

mardi 17 septembre 2013

COÏTUDE



 
J’ai dans la queue des pourquoi qui anguillent
Dans l’air
De longs têtards qui saignent des larmes de vase
Amère
J’ai l’étant qui s’ensperme et le coït
qui doute
Ma terre a la chair  faible l’homme a bouffé
Sa croute


A quoi bon des semailles
Qui germeront sous verre
Atrophiées des entrailles
Prisonnières sous la serre



Je veux jouir sans semence dans des calices
Stériles
Aimer sans rejetons jeter ma gourme
Aux arbres
Fertiliser les champs de mes poussières
D’argile
Semer mon ADN  loin des sanctuaires
De marbre



La  bourse reine mitraille
De grenades numéraires
La vie qui s’encobaye
des petits d’homme de terre



ça bouscule mes reins sur des riens de
demain
Niquer tous les banksters en leur laissant
la dette
faire l’amour à ma femme en partageant
le gain
de l’unique plaisir qu’aucune carte
n’achète


J’ai dans la queue des pourquoi qui se cognent
J’aère
De longs têtards qui saignent des larmes de vase
Amère
J’ai l’étant qui s’ensperme et le coït
qui doute
Ma terre a la chair  faible 
l’homme a bouffé
Sa croûte


Céline delalandre



mercredi 11 septembre 2013

TADAM !





Paris et la Nouvelle Vague ou l'éloge de la fuite.

La Nouvelle Vague s'est emparée de Paris, en a fait son terrain de jeu, lui a rendu vie, après la statufication dont elle fut l'objet dans les films d'Avant Guerre. Alors il fallut réinventer, la technique n'y fut pas pour rien bien sûr, les cameras plus petites et plus maniables, la pellicule plus fine, qui prenait mieux la lumière, mais aussi le désir compulsif de faire des films, d'aller voir vers un ailleurs.

J'ai choisi de m'intéresser à des monuments, « A bout de souffle de Godard », « Les 400 coups » de Truffaut et « La maman et la putain » d'Eustache. Ces films sont tous emblématiques, vus et revus mais il me semble qu'il y a des liens, des oppositions et pour finir avec Eustache, un cheminement intéressant.

« A bout de souffle », Paris Meurtrier.

« A bout de souffle » est un film aéré, sans cesse en mouvement, nous suivons la cavale de Belmondo/Poicard, qui désire fuir vers Marseille, après avoir commis un assassinat. Cette cavale nous donne l'occasion d'une visite touristique, à travers les beaux quartiers, la Rive Gauche, bien sûr, l'Hôtel Georges V, jusqu'à la scène mythique où la petite américaine vend le New-York Herald Tribune sur les Champs Elysées.
Il s'agit d'une visite tourbillonnante avec une caméra sous amphétamines.
Le calme revient grâce à la petite américaine, de qui Belmondo/Poicard est amoureux. Elle symbolise cette mythologie parisienne un peu cliché, elle vit dans un petit hôtel du quartier latin, fait ses études à la Sorbonne et affiche une reproduction de Renoir dans sa chambre d'hôtel ;
Les scènes filmées dans cette chambre sont les seules scènes d'intérieur du film, faussement tranquilles car la petite américaine se refuse à Belmondo/Poicard . Mais la deus ex machina est enclenchée car celui-ci ira se faire buter rue Campagne-Première où vécurent Rimbaud et Verlaine. Et la mythologie Godard est en marche.

« Les 400 coups » Paris Prison.

Léaud/Doisnel est un petit parigot, qui vit aux alentours de Pigalle. Le film est clairement découpé : les scènes de rues, et les scènes d'enfermement : école, appartement. Léaud/Doinel est malheureux chez lui et malheureux à l'école, c'est un enfant mal-aimé, en admiration devant sa mère mal-aimante. Et un élève rétif et menteur. Alors reste la rue, qu'il expérimente à l'occasion d'une fugue avec un camarade, au début celle-ci semble accueillante et enivrante il y fait de petits larcins, y joue à l'homme mais on se fait rabrouer par les filles. Mais très vite la rue va se refermer sur Léaud/Doisnel, lui cracher sa vérité à la figure, puisqu'il surprend sa mère avec son amant au détour d'une rue. Il se retrouve une nuit dans un commissariat au milieu des prostituées et des petits voyous, la rue est une traîtresse. Une traîtresse qui l'envoie en maison de redressement à la campagne. Et c'est précisément dans cet endroit d'enfermement que Léaud/Doisnel va trouver la liberté, d'abord en laissant transparaître sa vérité lors d'un entretien avec une psychologue et surtout en fuguant lors d'une activité sportive, il court vers la mer et cet inoubliable regard caméra à la fois frondeur et désespéré.

« La Maman et la Putain » Paris désincarné.

Eustache, électron libre ne fit jamais partie de la Nouvelle Vague, même s'il fut assimilé. Je l'ai choisi car « La Maman et la Putain » est son seul long métrage tourné à Paris et aussi bien sûr pour la présence de Léaud comme une filiation avec le petit Doisnel des «400 Coups ».
Nous sommes en 1973, et la désillusion de Mai 68 est là. La façon dont Eustache filme Paris incarne cette désillusion. L'utilisation d'un noir et blanc neigeux à la Murnau rend la ville presque irréelle. Alexandre/Léaud est comme un soleil noir autour duquel tournerais Paris. Nous déambulons dans la ville au grès de ses rencontres et rendez-vous amoureux. Les endroits prestigieux dans lesquels se rend Alexandre (Les Deux-Magots, Le Train Bleu), sont filmés comme de simples bistrots de province. Aucun hommage n'est rendu à la ville, elle n'est ni maman, ni putain, elle est banale. Ou si, lorsque Eustache/Alexandre écoute in extenso une vieille chanson de Fréhel sur les Fortifications. Un hommage à un Paris qui n'existe plus, détruit par la modernité, comme le couple n'existe plus, détruit par Mai 68. Eustache, vieux réac nostalgique. Et comme la « Maman et la Putain » est un film où chaque mot est important, écoutons Eustache/Alexandre. « Ce sont les soldats, les enfants et les fous qui sauveront le monde ».

Blanche Dubois



samedi 7 septembre 2013

On a pas touché l'absolu




On a pas touché l'absolu. Juste un peu retenu ses larmes de l'avoir entraperçu. Il restait plus qu'à se bourrer la gueule. Et on l'a fait, putain.

Brice Haziza

24 heures dans la ville d’une femme




Minuit : elle dort, dans son appartement au troisième étage, la ville dort avec elle.

Deux heures du matin : elle rêve d’une autre ville, plus grande, plus belle, plus chic, où elle aurait une vie plus grande, plus belle, plus chic.

Quatre heures : un chat miaule dans la rue, en bas, près des poubelles, ça la réveille, elle a le sommeil léger, très léger, plus léger que le thé du salon de thé du coin de la rue.

Six heures : réveillée, rendormie, réveillée à nouveau par les éboueurs, elle pense à tout ce qu’elle a à faire aujourd’hui, dossiers en retard au bureau, aller à la poste centrale récupérer une lettre recommandée – jamais bon signe les lettres recommandées -, essayer de faire les soldes en fin de journée… et puis appeler son père.

Huit heures : petit déjeuner express, douche un peu plus longue – elle adore les douches, ça la détend -, surtout l’eau chaude au niveau des épaules et du dos. La rue en bas s’anime : bruits de klaxons, vacarme des mobylettes et scooters trafiqués, cris d’enfants, aboiement de chiens.

Dix heures : l’ennui au bureau, les collègues pas aimables voire franchement désagréables, celle avec laquelle elle partage son bureau qui lui raconte sa vie dont elle se fout complètement. Elle regarde par la fenêtre. Il y a d’immenses baies vitrées dans cette entreprise, comme dans les films américains. Pour le reste, c’est un boulot de merde mais il faut bien gagner sa vie. Elle regarde par la fenêtre. Observe une vieille dame sur un banc qui donne à manger aux pigeons en jetant un coup d’œil à l’enfant sur son tricycle qui semble échapper à la surveillance de son père qui admire les jambes d’une étudiante qui se rend à son cours de philo.

Midi : elle file à la poste puis achète un sandwich à sa boulangerie habituelle et se trouve un banc sur la place de la mairie, mange en regardant la fontaine éteinte – c’est triste une fontaine éteinte.

Quatorze heures : retour au bureau, elle avale un café immonde à la machine à café, repensant au café italien bu à Rome l’été dernier, l’envie de pleurer monte en elle mais elle se retient.

Seize heures : mal de tête et récriminations de son supérieur car elle n’a pas travaillé assez vite et n’a pas rattrapé son retard, aujourd’hui encore elle a échoué.

Dix-huit heures : elle marche dans les rues piétonnes du centre ville, regarde les vitrines alléchantes, entre dans des magasins, essaie des robes, des jupes, des pantalons, de la lingerie, rien ne lui va, elle rentre dedans mais ça ne lui va pas, s’achète une demi baguette à la boulangerie où elle a acheté le sandwich le midi, rentre chez elle.

Vingt heures : elle dîne seule, face à la télé, n’arrive pas à s’intéresser aux infos, appelle son père malade, son père qui va mourir, elle le sait.

Vingt-deux heures : ce soir non plus, elle ne regardera pas la fin du film, va à la fenêtre, soulève les rideaux, aimerait voir quelqu’un en face, une lumière allumée, une silhouette humaine, personne.

Minuit : demain, encore, il faudra tenir le coup, continuer quand même, elle s’endort, la ville s’endort avec elle.

Marianne Desroziers


mercredi 4 septembre 2013

Je marche, je jouis et mon cul s'en balance.



Mon jeans caresse mes lèvres à chacun de mes pas. Je mouille. Sa toile denim rêche et douce se fait doigts, doigts de petite main qui brode ma boutonnière aux points de suspension. Pas de petite culotte.

J'ai la tête légère et la fesse ondulante. Je marche, je fume. Je marche, je jouis. Je marche, je ris et mon cul s'en balance. Les yeux de la ville l'ignorent, mon Jeans et moi on inonde ses trottoirs de ma chartreuse verte. Ma langue y perle goutte à goutte l'eau d'émeraude de ma jouissance secrète et mon rouge à bouche bave sur les vitrines qui frémissent à mes spasmes muets

Cher Jeans, tes fils de coton comme une Harlow gloussante liment ma découture à en réjouir ma pine qui surgit des abysses.. Elle jute sa traînée de suc à la vanille sur l’asphalte qui luit de ma cire érotique. Et les passants qui passent passent dans mes cheveux des regards lubriques. La ville est en émoi, je lui donne la trique. Elle a troqué ses feux tricolores contre un rouge baiser qui embrase ses artères et chaque klaxon bourdonne de gémissements aphones qui grimpent en sourdine jusqu'aux flèches des clochers. Ça emplit ses avenues d'une coulée de sons où baigne le plaisir. C'est un flot silencieux de mousse chaude et douce qui déborde sur les places où des porches enflammés lui ouvrent grand leur bois. La ville s'est muée en un vaste lupanar où sur de hauts talons noirs je trône telle une discrète tenancière. 

Je marche, je fume. Je marche, je jouis. Je marche, je ris et mon cul s'en balance.

Cécile Delalandre





mardi 3 septembre 2013

Evening constitunional



Je pousse ma carcasse parmi les putes crépusculaires et les zonards, sous un ciel de sang, le long des avenues. Dans les immeubles qui m'entourent, des corps morts sont jetés dans des cages d'ascenseur désactivées depuis la dernière coupure d'alimentation. Quand le courant reviendra, ça fera peut-être grin-grin-crrrrrac en descendant à la cave. Il fait chaud, il n'y a pas de vent, hormis les miens, qui ne font rien pour rafraîchir l'atmosphère. J'ai des taches de sueur sous les aisselles, dans le dos, du côté du sternum. J'ai le front, la gueule qui coulent. Des voitures de police passent à toute vitesse, en route vers la justice ; les sirènes se mêlent à des percussions que j'entends sortir d'une quelconque fenêtre. C'est la fête. Sur ma gauche, de l'autre côté de l'artère, bruit de verre. Brisé net dans l'élan d'un vol voué à l'échec. Tout retombe. Je passe devant un clochard qui se vide contre un mur, enjambe sa coulée de pisse. Vingt mètres plus loin, des pigeons picorent une flaque de vomi. L'Atlantide, cet eldorado.

« Les clients, ça va, ça vient », me dit doucement un jeune gars sur ma droite, planté à un arrêt de bus, genre j'attends le 10, mais le 10, coco, ça fait plus de vingt mille ans qu'il ne circule plus. Je ne vais pas lui donner de faux espoirs. « Je suis vide, mon gars, vide. Navré. » Putes à nouveau, plus loin. Afros, Asiates, Blanches-Neiges, jeunes, vieilles, grosses, maigres, gueules camées, innocence sur orbite dégradée. J'attends qu'un caca géocroiseur percute nos claviers, et qu'on en finisse. J'imagine la mort glacée, ballottée par l'attraction qu'elle subit à proximité des autres corps dont elle approche, quelle chance, depuis des millions d'années peut-être, elle n'a subi aucune collision, elle ne s'est écrasée sur aucun monde. Car elle a été forgée spécialement pour nous. C'est de la glace. De la glace d'eau ? Je ne sais pas. Nous ne périrons plus par l'eau, à en croire les Ecritures, donc il est inutile de venir me parler de l'élévation du niveau des mers consécutive à la soi-disant fonte polaire. Il y aura peut-être un peu de feu et de plasma lorsque Nibiru s'échauffera au contact de nos ambiances. Ce sera beau. Tous crever, enfin.

Mais je rêve. On va continuer de vivre encore un peu, baiser comme des porcs mais éviter de poser la main sur l'épaule des collègues de travail. On va encore fumer du shit coupé au désherbant. Et puis on va voteeeeer, bien gentiment. Votre belle petite conscience de citoyens qui font leur devoir, je chie dessus. Je ne vote pas. Je suis un individu douteux, pour le moins. Il faudrait que quelqu'un me tue, je ne sais pas, la Sécurité Sociale devrait racler ses fonds de tiroir pour engager un sniper. Un chacal. J'exploserais à une intersection, en attendant que le feu passe au vert pour moi (« Ah mais dites, il respectait quand même certaines choses, ce Nordmann... »).

Là aussi, je dois me défaire de ces illusions. Je crèverai d'une crise cardiaque ou d'un cancer, comme tout le monde. Vous serez contents tout de même, ne vous en faites pas. Ça fera un indésirable en moins. Nordmann. Ce maître de l'ambiguité. Avec lui, on savait jamais si c'était du lard ou du cochon... (Ah mais non, vous faites erreur, c'était un enculé de première.)

Etc.

J'évite des étrons dont je ne saurais dire la provenance en termes de taxinomie. Des êtres traînent, calculent des coûts aux abords des putes. Des dealers passent en trombe, voitures décapotables, une main sur le volant, l'autre refermée sur une bouteille de jus de fruit (non, je rigole), sono à fond sur le boulevard. Depuis l'arrière-cour d'une petite rue perpendiculaire, j'entends une gonzesse qui crie. J'y vais sans me presser. Deux mecs essaient de la violer au milieu des poubelles. Je sors mon Smith & Wesson (je porte un blouson de toile), tire deux balles dans le monstre bicéphale, ça fait flop sur le sol, tout mou soudain. Des bouts de cerveau luisent sous un néon. La fille se rhabille à moitié, se barre en courant, sans même me dire merci. Je n'attendais pas de remerciements. Je n'ai même pas dissimulé mon visage, je sais très bien qu'il n'y aura aucune suite ; il est déjà trop tard. Je m'éloigne.

Burgers gras. Frites dégoulinantes d'huile. Odeur de merde. Sueur dans les murs, sur le carrelage. Banquettes moites. Je mange, éructe. Transpiration en cascade en ralenti dans mes cheveux pas peignés, sur mon front, mes tempes. J'ai tué, je n'ai même pas d'érection, j'ai oublié à quoi ressemblait la fille. Mais je bouffe. Personne n'a envie de me tuer, moi. Je bouffe. Autour de moi, faces sans joie, mastication mécanique des cas sociaux sous une compil de Michael Jackson. Il y a tout de même un môme hystérique qui gueule, quelque part. Il voulait le Big Merde, pas le Chiasseburger. Le chargeur de mon S&W est vide.

Je ressors. Je vais rentrer chez moi, parmi mes détritus. Puis je vais ressortir. Puis re-rentrer. Je vais peut-être dormir.

Vous allez prendre vos trains de nuit.


Paul Sunderland