lundi 26 août 2013

Marie-Claire





Quinze heures, on est le matin, Raoul va vers la cafetière, chiffonne sa tignasse et baille. Un relent fétide jaillit de sa bouche. L’odeur du souffre il connaît. Il néglige et se verse un café. Son crâne crache du Black Sabbath, ça cogne dur dedans, ça aussi il connaît. Il allume une clope et va s’asseoir sur le bout du lit.


Son tee-shirt gris sale pend sur son slip. Il regarde ses jambes. Elles sont maigres, il s’en fout. Ses mains tremblent. Il croit que ça va passer. Ça ne passe jamais. Et ce pied gauche qui gonfle et fourmille de civelles violacées un peu plus chaque jour. Une mouche, toujours la même, s’y pose. Ça fait des semaines qu’à son réveil, Marie-Claire s’y pose. C’est comme ça qu’il l'appelle, Marie-Claire. La mouche elle est là sur son pied avec ses gros yeux. Elle ne bouge pas. Il la regarde. Il fume en la regardant. Il  regarde son pied, baille encore, renifle, ça fait fuir Marie-Claire. 


 Il ne la voit plus, il la cherche. Une gorgée de café, deux taffes en l'air vers la fenêtre. La mouche y est, collée. Il y a  du soleil dehors. Quand il sortira il n'y en aura plus. Il se dit ça comme ça parce qu'il le voit c'est tout. La nuit il ne regarde même pas les étoiles. 


 Faut qu'il se lève. Il doit bien rester quelques canettes dans les packs qui s'amoncellent au sol. L'écharpe de Tess est restée sur le dos de la chaise. Il ne l'a pas entendue partir. Ils ont fait l’amour, il croit. Il ne s'en souvient pas vraiment. Tess reviendra demain ou jamais, peut-être.  La porte de Raoul n'a pas de clef, elle sait, il se lève. Son pied, il le pose sur sa chemise qui traîne à terre, trébuche dans la manche, se rattrape au bord de la table, jure. Un plat de pâtes moisies tombe sur le lino. Gong dans sa geole, Raoul s'arrête. Des veines de cymbales l'ensanglantent de sons. Sa tête rugit. La calmer. Il la serre fort entre ses mains... ça bout, tonne, gronde, explose. Son crâne est un volcan, la lave s'y répand, il la sent.  Des éclairs de piqûres électrisent son corps.  Le formica de la table lui fait froid dans ses doigts. Sa main se tétanise sur une tache de gras et le soleil pâlit. La pièce s'emplit de brume. La fenêtre s'éteint. Raoul  se raidit, tangue, vacille, tombe. Marie-Claire se pose à nouveau sur son pied. Rien n'a vraiment changé, seules les civelles violacées n'y fourmillent plus.
Tess l'ignore encore. 


Cécile Delalandre

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