mercredi 11 septembre 2013

TADAM !





Paris et la Nouvelle Vague ou l'éloge de la fuite.

La Nouvelle Vague s'est emparée de Paris, en a fait son terrain de jeu, lui a rendu vie, après la statufication dont elle fut l'objet dans les films d'Avant Guerre. Alors il fallut réinventer, la technique n'y fut pas pour rien bien sûr, les cameras plus petites et plus maniables, la pellicule plus fine, qui prenait mieux la lumière, mais aussi le désir compulsif de faire des films, d'aller voir vers un ailleurs.

J'ai choisi de m'intéresser à des monuments, « A bout de souffle de Godard », « Les 400 coups » de Truffaut et « La maman et la putain » d'Eustache. Ces films sont tous emblématiques, vus et revus mais il me semble qu'il y a des liens, des oppositions et pour finir avec Eustache, un cheminement intéressant.

« A bout de souffle », Paris Meurtrier.

« A bout de souffle » est un film aéré, sans cesse en mouvement, nous suivons la cavale de Belmondo/Poicard, qui désire fuir vers Marseille, après avoir commis un assassinat. Cette cavale nous donne l'occasion d'une visite touristique, à travers les beaux quartiers, la Rive Gauche, bien sûr, l'Hôtel Georges V, jusqu'à la scène mythique où la petite américaine vend le New-York Herald Tribune sur les Champs Elysées.
Il s'agit d'une visite tourbillonnante avec une caméra sous amphétamines.
Le calme revient grâce à la petite américaine, de qui Belmondo/Poicard est amoureux. Elle symbolise cette mythologie parisienne un peu cliché, elle vit dans un petit hôtel du quartier latin, fait ses études à la Sorbonne et affiche une reproduction de Renoir dans sa chambre d'hôtel ;
Les scènes filmées dans cette chambre sont les seules scènes d'intérieur du film, faussement tranquilles car la petite américaine se refuse à Belmondo/Poicard . Mais la deus ex machina est enclenchée car celui-ci ira se faire buter rue Campagne-Première où vécurent Rimbaud et Verlaine. Et la mythologie Godard est en marche.

« Les 400 coups » Paris Prison.

Léaud/Doisnel est un petit parigot, qui vit aux alentours de Pigalle. Le film est clairement découpé : les scènes de rues, et les scènes d'enfermement : école, appartement. Léaud/Doinel est malheureux chez lui et malheureux à l'école, c'est un enfant mal-aimé, en admiration devant sa mère mal-aimante. Et un élève rétif et menteur. Alors reste la rue, qu'il expérimente à l'occasion d'une fugue avec un camarade, au début celle-ci semble accueillante et enivrante il y fait de petits larcins, y joue à l'homme mais on se fait rabrouer par les filles. Mais très vite la rue va se refermer sur Léaud/Doisnel, lui cracher sa vérité à la figure, puisqu'il surprend sa mère avec son amant au détour d'une rue. Il se retrouve une nuit dans un commissariat au milieu des prostituées et des petits voyous, la rue est une traîtresse. Une traîtresse qui l'envoie en maison de redressement à la campagne. Et c'est précisément dans cet endroit d'enfermement que Léaud/Doisnel va trouver la liberté, d'abord en laissant transparaître sa vérité lors d'un entretien avec une psychologue et surtout en fuguant lors d'une activité sportive, il court vers la mer et cet inoubliable regard caméra à la fois frondeur et désespéré.

« La Maman et la Putain » Paris désincarné.

Eustache, électron libre ne fit jamais partie de la Nouvelle Vague, même s'il fut assimilé. Je l'ai choisi car « La Maman et la Putain » est son seul long métrage tourné à Paris et aussi bien sûr pour la présence de Léaud comme une filiation avec le petit Doisnel des «400 Coups ».
Nous sommes en 1973, et la désillusion de Mai 68 est là. La façon dont Eustache filme Paris incarne cette désillusion. L'utilisation d'un noir et blanc neigeux à la Murnau rend la ville presque irréelle. Alexandre/Léaud est comme un soleil noir autour duquel tournerais Paris. Nous déambulons dans la ville au grès de ses rencontres et rendez-vous amoureux. Les endroits prestigieux dans lesquels se rend Alexandre (Les Deux-Magots, Le Train Bleu), sont filmés comme de simples bistrots de province. Aucun hommage n'est rendu à la ville, elle n'est ni maman, ni putain, elle est banale. Ou si, lorsque Eustache/Alexandre écoute in extenso une vieille chanson de Fréhel sur les Fortifications. Un hommage à un Paris qui n'existe plus, détruit par la modernité, comme le couple n'existe plus, détruit par Mai 68. Eustache, vieux réac nostalgique. Et comme la « Maman et la Putain » est un film où chaque mot est important, écoutons Eustache/Alexandre. « Ce sont les soldats, les enfants et les fous qui sauveront le monde ».

Blanche Dubois



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