Etudier
le monde qui s'écroule et se réjouir. Quelque chose dans l'air et
dans certains regards, des signes et dans les rues comme une odeur de
plastique cramé et d'apocalypse, vous sentez pas ? C'est un peu plus
fort chaque jour et nous sommes de sacrés privilégiés d'assister à
ce truc, la dernière fois qu'un monde a sombré c'était y a quinze
siècles.
Se
laisser porter par cette ambiance de haine, cet arrière-plan de
rancœur, observer ses poils qui se dressent, l'électricité, la
tension qui cherche la note juste, se laisser séduire, apprendre à
reconnaître l'odeur de la colère et celle de la trouille.
Apprendre
la méfiance en marchant dans les rues, en montant dans le bus,
apprendre la méfiance à minuit dans les gares, apprendre à se
tenir à carreaux et à baisser les yeux, apprendre l'égoïsme et la
lâcheté, se découvrir doué pour ça.
Comprendre
au fond de soi que cette fin du monde est une bonne chose, piger
intuitivement qu'on fait partie de l'ancien monde, de ce qui doit
être détruit, piger intuitivement que la force de vie bouillonne
chez les barbares, que le sens de l'histoire est dans leur nihilisme,
comprendre au fond de soi qu'être périmé dans un monde périmé
n'est pas bien grave. Profiter du spectacle. Des flammes à sa
fenêtre. Jouir du sang dans les rue. Anticiper le jour où le sien
coulera. Se prendre pour Néron. Mais un Néron moderne, un Néron
mou et pâle, un Néron avachi qui lit les faits-divers, un Néron un
peu rance qui lit Télérama.
Christophe Siébert (Du collectif Konsstrukt)
"Orgueil de ceux qui pensent voir l'Apocalypse de leur vivant... Ils voudraient que la fin de leur temps soit aussi la Fin des Temps."
RépondreSupprimerPeut-être non ?
l'orgueil est humain, après tout... Puis, à vrai dire, le fond ne m'intéresse moine que la forme.
SupprimerCette histoire de Néron avachi qui lit télérama, c'est heureux du point de vue de l'image.
Siebert sait écrire à mon avis.
J'espère qu'à part cette réserve sur l'orgueil humain, vous aurez plaisir à lire ce p'tit texte.
JF DALLE
Revue Métèque