2ème
jour, la plage, l’après-midi.
Ciel
laiteux. La mer est roulée comme un cigare sous l’aisselle d’un
bateau à voiles. Le vent du nord fait glisser langoureusement du
sable dans mes cheveux. Les embruns ont perdu. Les vacances à la mer
s’étendent sur une serviette ensablée, dans une odeur d’huile,
le dos crémé d’annonces publicitaires de l’industrie de
parapharmacie. Au loin, derrière la digue, les grandes pyramides de
la Grande Motte attendent le soulèvement tectonique et le pli, qu’un
doigt divin en fasse de l’origami, phallus de béton blanc
s’écrasant depuis le ciel sur la Motte du couchant ouverte,
béante, seulement séchée par les rots du soir, cet odeur d’égout
qui reflue à la nuit, un vieux jus de plage pressée.
Au
fil de l’eau, une « Rosie » au rabais passe sur la mer,
bastinguée comme un navire, tout le cliquetis des rouages de la
Féminité, l’épaule droite, les voiles à l’avant, mâchoire
mâchée ; « bonne » dit un petit groupe de gamins derrière moi.
Ils n’ont pas tort. Elle a à voir avec cette histoire de Grande
Motte qui veut baiser le Couchant (Balladur, l’architecte en chef
de l’ensemble a voulu cette dualité féminin/masculin). Les
immeubles sont arrimés à son dos musclé : mille yeux, mille
fenêtres sont ouverts, les climatiseurs et la longue mémoire de la
civilisation tournent à plein, ça joue au poker en mâchant du
cigarillos, l’odeur du whisky débile, le mâle seul comme un loup
raclé, sec, à l’os. Rien n’échappe à ce maillot fluorescent
engoncé dans le rift de son cul. Rebondi, redondant quand elle
s’éloigne, le regard houlahoupe. Pour une minute, c’en est fini
de la mer. Le petit point orange s’attarde à la masse concassée
des plagistes, des parasols, une petite braise de feu poussée du
ventre, faufilée voleuse entre les grands drapeaux des vendeurs de
glaces et de beignets. La mer claque férocement, comme deux lèvres
d’une vieille cubaine pompant sur le barreau de chaise. Ma petite
braise s’est tout à fait éteinte. Elle n’est plus qu’une
particule de cendre de ma mémoire. Il ne me reste plus qu’à faire
exister le roulis d’un cul au mât de mon érection.
Paul Jullien
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