En
attendant Goldorak, je décapsule une bière.
J’ai
dix ans et j’en ai quarante. Je suis morte et je suis vivante.
À
la télé, les publicités. De vieilles publicités. Je voyage dans
le temps. L’alcool n’y est pour rien, au contraire. Elle m’aide
plutôt à ne pas oublier l’ici, le maintenant, la migraine qui
enfle et cette foutue nausée.
Dehors,
les mômes crient. Ceux de mon âge. Ceux avec lesquels je ne joue
pas, sauf parfois dans les caves de l’HLM, à graffiter des
messages à la con sur les murs en béton. J’ai dix ans, bordel, je
n’en sortirai jamais. J’ai peur. À cet âge-là, on a souvent
peur sans trop savoir de quoi. Ensuite, il y a un moment où les
choses basculent. On passe une frontière, on change de monde, on
devient grand. Je n’ai jamais franchi la douane. Trop de bagages
sans doute.
Le
générique de Goldorak me pétille dans la gorge, saveur houblon,
amer. Pas tout à fait le goût de la nostalgie.
Dehors
les oiseaux gueulent. Je déteste la campagne. Pourtant, il paraît
que c’est bien, que c’est apaisant. Mais c’est tellement de
temps et d’espace et de silence à remplir. Avec quoi ?
Je
suis ici et là-bas. Dans un aujourd’hui à la beauté frigide des
clichés « House and Garden ». Dans un autrefois cabossé que je
trimbale comme des gamelles accrochées au cul d’une bagnole. Je
ferme les yeux. Je les ouvre. Me lève. Titube. Cherche les horaires
de train et la télé serine, Goldorak, go ! Alors j’y vais.
Je
m’en vais.
Il est peut-être temps de vivre, va savoir. Actarus
m’attend quelque part. Dernière gorgée de bière, ambrée. Pas
tout à fait la couleur de l’euphorie.
Marlene Tissot
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