jeudi 18 juillet 2013

EN ATTENDANT GOLDORAK



En attendant Goldorak, je décapsule une bière.
J’ai dix ans et j’en ai quarante. Je suis morte et je suis vivante.
À la télé, les publicités. De vieilles publicités. Je voyage dans le temps. L’alcool n’y est pour rien, au contraire. Elle m’aide plutôt à ne pas oublier l’ici, le maintenant, la migraine qui enfle et cette foutue nausée.
Dehors, les mômes crient. Ceux de mon âge. Ceux avec lesquels je ne joue pas, sauf parfois dans les caves de l’HLM, à graffiter des messages à la con sur les murs en béton. J’ai dix ans, bordel, je n’en sortirai jamais. J’ai peur. À cet âge-là, on a souvent peur sans trop savoir de quoi. Ensuite, il y a un moment où les choses basculent. On passe une frontière, on change de monde, on devient grand. Je n’ai jamais franchi la douane. Trop de bagages sans doute.
Le générique de Goldorak me pétille dans la gorge, saveur houblon, amer. Pas tout à fait le goût de la nostalgie.
Dehors les oiseaux gueulent. Je déteste la campagne. Pourtant, il paraît que c’est bien, que c’est apaisant. Mais c’est tellement de temps et d’espace et de silence à remplir. Avec quoi ?
Je suis ici et là-bas. Dans un aujourd’hui à la beauté frigide des clichés « House and Garden ». Dans un autrefois cabossé que je trimbale comme des gamelles accrochées au cul d’une bagnole. Je ferme les yeux. Je les ouvre. Me lève. Titube. Cherche les horaires de train et la télé serine, Goldorak, go ! Alors j’y vais.
Je m’en vais.
Il est peut-être temps de vivre, va savoir. Actarus m’attend quelque part. Dernière gorgée de bière, ambrée. Pas tout à fait la couleur de l’euphorie.

Marlene Tissot


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