Il
y avait l'odeur du jasmin exhalée par la touffeur du soir.
Il
y avait le muezzin, qui me rendait si mélancolique.
Il
y avait les peaux de moutons qui séchaient sur les terrasses
il
y avait la fontaine du jardin, en forme d'étoile.
Il
y avait ce chat borgne qui se nourrissait chez nous.
Il
y avait les miséreux de la Medina, qui ne brisaient le cœur.
il
y avait ce vaste marché couvert avec son poissonnier et sa tapette à
mouches, dans ce vaste marché, il y avait Mustapha, qui portait le
cabas de ma mère et qui sanglotait quand nous sommes partis.
Il
y avait les graines de tournesols, un Dirham à la sortie de l'école.
Il
y avait Aïcha qui me défendait contre les foudres de mon père, et
cette lettre pleine de reconnaissance et d'amour qu'elle avait fait
écrire par un écrivain public.
Il
y avait les oranges du jardin, qui n'arrivaient jamais à maturité,
et qui me servaient à fabriquer des potions magiques, et le bananier
sans bananes.
Il
y eu aussi ce drap blanc maculé de sang, brandi par la mère, sous
les youyous de l'assemblée, la mariée avait douze ans, le marié
soixante.
Et
il y avait la chaleur brûlante de la dalle où je m'allongeais
l'été, ma mère, encore une gamine, dans un champs de narcisses
blanc immaculé, les mots d'arabe que m'apprenaient Aïcha, et les
séances de danse du ventre, une serviette autour de la taille.
Et
il y eu aussi le regard des hommes sur mon corps pré-pubére, mes
yeux qui devenaient de plus en plus noirs.
Il
y eu mes larmes quand il fallut partir.
Il
y avait un paradis perdu.
Blanche Dubois
Blanche Dubois
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