June
et sa mère allaient à Weymouth tous les étés, la station
balnéaire la plus proche du bassin minier où elles vivaient.
C'était l'Angleterre d'Après Guerre, elles n'avaient qu'un maillot
de bain pour deux. Alors, pendant que l'une d'entre elles prenait un
bain de maigre soleil, l'autre faisait un bingo ou mangeait un fish
and chips.
Le
ciel était toujours gris comme il se doit, les enfants pâlots et
maigrelets. Mais il se dégageait de ce bout d'Angleterre une
nostalgie rassurante, comme dans ces trains fantômes qui font hurler
les enfants mais dont on sort euphoriques d'être toujours en vie.
June
était belle. C'était indiscutable. Les pommettes hautes, les yeux
absinthes, la bouche prometteuse. Mais elle ne possédait pas une
once de fantaisie. Rien de drôle, de spirituel ni même de gentiment
candide ne sortait jamais de sa bouche.
Bien
sûr, elle épousa le premier imbécile venu, un officier de la RAF
prénommé John. Elle lui donna un fils qui ne fit jamais rien de sa
vie à part fumer des joints et s'illusionner sur ses talents de
musicien.
John
finit par quitter June pour une femme laide mais drôle.
La
vie de June s'effrita, mais cette fille de mineurs gallois avait la
souffrance et la résignation qui coulaient dans son sang. Elle prit
un travail à British Telecom, renseigner les gens la satisfaisait
pleinement, réussit à faire assez d'économies pour s'offrir un
cottage et même des voyages en Australie ou à Bali.
Sa
vie aurait été presque belle si ce n'était ce fils qui fumait des
joints et jouait mollement de la guitare dans les pubs qui voulaient
bien de lui.
Blanche Dubois
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