Je partais
rejoindre mes frères, affamés comme moi. Ils pouvaient bien ne
jamais être les mêmes, ces
anonymes à l’envie unique me ressemblaient. Tous, encore une fois,
nous allions reformer une fratrie hétéroclite. À nouveau, nous
irions, concurrents et complices, fouiller avec le nez de nos capots
ces niches que nous connaissions par cœur, pour trouver celle qui
saurait, peut-être,nous faire jouir. De façon moins grandiloquente,
chacun espérait trouver une chacune qui le ferait cracher à la
lueur d'un plafonnier de bagnole.
Aussi,
répondant à un appel magnétique, nous autres mâles allions migrer
de conserve. L’œil fixe et les trente euros réglementaires en
poche, mes frères d’une nuit et moi allions quitter certaines
profondeurs pour régaler nos appétits de squales ou cicatriser une
plaie, pour ceux qui en avaient peut-être.
Dans ces parcs
d’attraction pour grands qui ouvraient à la nuit tombée, les
filles nous attendraient : réparties de façon pratique, le long des
couloirs de bus et pomponnées pour le service, ces très jeunes ou
ces très veilles putes, arrachées à la planète entière,
espéreraient toutes nous voir ralentir à leur niveau. Et,
effectivement, selon une règle à laquelle on ne déroge pas, mes
congénères et moi planerions au ralenti à la manière de raies
manta remontant le lagon dégueulasse des ces Maréchaux anthracites.
Nous allions
apporter la preuve, à ces lucioles dans nos codes, que nos désirs et
nos euros étaient bien là, intacts, au rendez-vous de leurs besoins
financiers.
Au fond, nous
autres clients étions rassurants : une journée ensoleillée n’avait
pu avoir raison du monde têtu. La nuit était bien vite revenue,
pareille à toutes les autres, sombre comme la jungle et constellée
d’envies. Pour l’intérêt immédiat de toutes les créatures qui
s’y donnaient rendez-vous, les bouches, les bites et la monnaie
s’échangeraient bien, cette fois-ci encore, dans l’obscurité
des bois, des parkings et des consciences.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire